Bonjour,
C’est la première fois que je poste un message ici, j’y explique comment on m’a diagnostiquée et il traite surtout de mes craintes par rapport aux conséquences sur mes études et aux regards extérieurs. Ce message risque d’être un peu long.
Je suis une fille de 19 ans, on m’a diagnostiqué une RCH il y a quelques mois, cela fut très rapide, et c’est tout récent, c’est une nouvelle situation…
Depuis petite, je souhaite faire Médecine. Après ma terminale S je me suis inscrite en première année, à l’issue de laquelle se joue un concours très sélectif. Cette première année peut se jouer en deux coups, si l’on n’est pas classé une première fois, on a le droit de recommencer une seconde fois, de redoubler, mais pas plus. Lors de ma première PACES tout allait bien niveau santé, mais comme 90% des étudiants, je n’étais pas classée. C’est avec plein d’enthousiasme, de confiance en moi et de motivation que j’ai entamé ma seconde PACES, avec toutes mes chances de réussite.
Quelques semaines après cette rentrée les symptômes se sont déclenchés progressivement mais sans détour. J’avais de plus en plus mal au ventre, du sang aux toilettes, et je ne comprenais pas ce que j’avais. Les douleurs aux ventre, je pense que je n’ai pas besoin de les décrire… j’allais toujours en cours et je travaillais énormément mais c’était infernal. J’ai expérimenté les premiers examens chez le gastro-entérologue avant d’avoir ma première endoscopie. Je ne sais pas si je suis trop sensible, si je suis anormale, mais je me suis sentie terriblement humiliée lors du premier examen, à chaque fois d’ailleurs… pendant une période je cauchemardais de façon récurrente que l’on abusait de moi, je m’habituerai certainement à ce genre d’examen mais pour le moment j’ai du mal à les accepter. Les rendez-vous répétés chez le médecin, l’anesthésiste, à l’hôpital m’ont beaucoup gênée dans le déroulement de mon travail. A l’issue de l’endoscopie, mon médecin m’a évoqué la RCH, mais à vrai dire, j’étais juste heureuse de ne pas avoir de cancer. Je n’ai pas demandé plus d’infos, persuadée que ce que j’avais était une atteinte ponctuelle qui allait passer une fois le traitement fini, comme une conjonctivite par exemple. J’ai eu du pentasa à prendre chaque soir, pendant 1 mois, et ça allait très bien pendant toute cette période de traitement, je travaillais très efficacement et j’étais super motivée. Ce traitement se terminait environ une semaine avant mon concours. Et moi, imbécile heureuse, je n’ai pas rappelé mon médecin en pensant que j’étais guérie…
Quatre jours avant le concours, les maux de ventre revenaient légèrement, j’avais un peu de sang, quelques faux besoins, je ne pensais pas que cela pouvait évoluer et je n’avais pas le temps d’aller consulter. Tout cela est allé crescendo jusqu’au jour du concours, où j’ai eu des diarrhées sanglantes toute la journée, je n’avais jamais connu de crise aussi forte où la quantité de sang dans la cuvette s’apparentait plutôt à celle d’une hémorragie. Lors des épreuves je ne pouvais pas demander à aller aux toilettes car cela m’aurait fait perdre du temps, du coup je faisais des efforts monstrueux sur mon corps lors des spasmes pour me retenir et les douleurs étaient d’autant plus vives. Sans surprise, j’ai loupé mes épreuves… Les vacances de noël suivaient le concours, j’avais peur de sortir parce que je passais ma vie aux toilettes, je perdais une quantité de sang considérable, j’avais peur de manger aussi (le repas de noël je l’ai seulement regardé). Lors de mon rdv avec le médecin je me suis fait gronder d’avoir attendu pour venir, il m’a alors expliqué la réalité de ce j’avais, j’ai posé toutes mes questions…
A l’issue des résultats du concours, j’ai su qu’il existait une dérogation pour les étudiants malades, leur permettant de tripler cette première année de médecine. Il faut monter un dossier, évalué par une commission qui décide si oui ou non on est autorisé à tripler.
La question qui me fait le plus de mal en ce moment, c’est comment vais-je faire pour leur expliquer ? C’est l’injustice qui me paralyse, celle de devoir exposer toutes ces choses dont j’ai « honte » parce qu’elles sont intimes et que je préférerais oublier, à des inconnus qui tiennent l’issue de ma vie entre leurs mains. Comment vais-je être capable, moi, jeune fille de 19 ans, de leur raconter que j’étais soumise à des diarrhées sanglantes qui me figeaient dans mon travail ? Que j’allais aux toilettes 10 fois par jour ? Que l’on m’a exploré les voies digestives avec une caméra ? En fait, ça peut paraître idiot, mais je les imagine se moquer de moi, c’est une vraie peur, je les imagine lire « rectite » « lavements » dans le dossier, et que ça les fasse rire, qu’ils trouvent cela comique et sans importance… Et qui leur dira comme c’est dur d’avoir mal tout le temps ? Que je voudrais qu’ils bouchent leurs oreilles et continuent à me regarder comme une jolie jeune fille simplement, ou qu’ils ne me regardent pas. J’ai souffert, et je n’arrive pas à accepter le fait qu’ils vont examiner ma souffrance et la juger… J’ai le sentiment de ne pas pouvoir me défendre et de ne pas pouvoir faire valoir la légitimité de ma douleur parce que je suis prisonnière de honte, et parce que ça me tord encore plus le ventre d’exposer ces choses INTIMES à des professeurs, à l’administration, à un doyen !
Je remercie vraiment ceux qui ont pu aller au bout de mon pavé,
Avec beaucoup d’affection,